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PREECLAMPSIE
Docteur
Philippe DUFOUR
Cours
du 14/12/2001
(Mis
en page par E.ARDIET le 18/3/03 d'après le support de cours remis
par l'enseignant)
Généralités:
La prééclampsie: syndrome
fréquent , dangereux pour la mère et le foetus , imprévisible dans sa
survenue et son évolution , intraitable excepté en terminant la grossesse.
Principale cause de décès maternel = maladie exclusivement gravidique
; les modifications histologiques disparaissant rapidement après l' accouchement
.
3 % des grossesses
Définition
:
HTA gravidique (
10 % des grossesses ) : TA > 140 mm Hg pour la systolique et/ou 90 mm
Hg pour la diastolique.
Si Protéinurie > à 0,3 g/ 24 heures = Prééclampsie
(OMI : signe clinique classique mais facultatif )
Prééclampsies sévères
: TA > 18/12
Protéinurie > 3 g/ 24 heures
Signes cliniques de gravité (SF neurologiques, oligo-anurie, barre épigastrique)
et/ou biologiques (coagulation, transaminases)
Physiopathologie:
Complexe : trois
théories proposées
Le rôle du placenta:
- Elément-clef
(la maladie pouvant survenir en l'absence de foetus = môle, et l'ablation
du placenta guérit la maladie
-
Diminution du débit utéro-placentaire + ischémie placentaire = point
de départ de la maladie
-
L'ischémie
placentaire est due à un trouble de la placentation , c'est-à-dire à
un défaut de l'invasion trophoblastique (sous-tendu par des phénomènes
génétiques ou immunologiques) entraînant un défaut de la vascularisation
placentaire.
- Anomalies
des artères spiralées (AS) +++ (défaut d' invasion cytotrophoblastique)
- Normalement
, les villosités trophoblastiques envahissent physiologiquement l'utérus
et les AS --> 1/3 interne du myornètre --> perte par les AS de l'endothélium
et de la plupart des fibres musculo-élastiques --> augmentation importante
du calibre des AS qui deviennent insensibles aux substances vasopressives
--> amélioration de la perfusion utérine.
- Prééclampsie:
2 types d'anomalie sont observés:
- l'invasion
des AS est limitée à leur portion intradéciduale (respectant
le myornètre) --> AS étroites et sensibles aux substances
vasopressives
-
-l'invasion des AS est diminuée en nombre
====>
Conséquences : inadaptation de la perfusion placentaire.
Phénomène immunologique
(mal connu)
- Vieille
idée: la prééclampsie serait secondaire à une anomalie
de la reconnaissance maternelle de l'unité foeto-placentaire.
- Prééclampsie
= Maladie de la première grossesse ou après changement de partenaire.
- Variation
selon la fréquence et la durée des contacts maternels avec les spermatozoïdes
(préservatifs, AMP avec sperme de donneur, faible fréquence des rapports
avant le début de la grossesse, célibat = facteurs de risque de prééclampsie)
- Il semble
que la reconnaissance par l'organisme maternel des antigènes paternels
favorise la tolérance de la grossesse (anticorps sécrétés par la mère
sous l'influence des antigènes paternels facilitant l'implantation
- Système
H LA : excès de compatibilité dans le système HLA ?
- Prééclampsie
= maladie auto-immune : ?
Facteur génétique
(mal connu)
- Caractère
familial de la maladie (fréquence multipliée par 4 chez les filles de
mères ayant présenté une prééclampsie)
-
Prééclampsie plus fréquente si Trisomie 13 ou triploïdie
-
Excès de foetus mâles lors des prééclampsies
-
Grossesse inter raciales : augmentation du risque de prééclampsie
-
Transmission maternelle par un gène récessif ?
-
Transmission maternelle autosomique à pénétrance variable?
-
Rôle du génotype foetal ++
-
Toutefois, la recherche d' un gène de la pré-éclampsie a échoué
Autres facteurs
prédisposants (insuffisance de la circulation placentaire)
- Hypertrophie
placentaire (grossesse gémellaire, anasarque, môle) = augmentation du
risque de prééclampsie
-
Maladies (HTA, diabète, collagénoses, hypoplasies utérines) = majorent
le risque de prééclampsie (point commun = altération de l'appareil vasculaire)
-
Surcharge pondérale
Retentissement
sur la mère et le foetus de cette ischémie placentaire
Placenta au centre
du syndrome prééclamptique --> retentissement maternel et foetal -->
sévérité de la maladie variable selon les individus ( foetus + atteint
que la mère ou l'inverse)
Retentissement
maternel
Maladie de
l' endothélium
Insuffisance placentaire --> Ischémie placentaire --> Libération de
substances activant et/ ou altérant les endothéliums maternels et foetaux
(fibronectine, laminine, cytokines, endothéline, prostaglandines, thrombomoduline,
facteur Willebrand ...) --> perturbations des différentes fonctions
(complexes) des endothéliums de l' organisme (coagulation, contractilité
des fibres musculaires lisses ... ) --> thrombopénie , chute du facteur
III, augmentation du complexe antithrombine III / Thrombine, augmentation
de la sécrétion de Thromboxane A2 --> microangiopathies thrombotiques
(reins, foie...)
Conséquences anatomopathologiques:
- Placenta:
lésions d'ischémie --> zones d' infarctus
-
Reins: lésions endothéliales glomérulaires (dépôts de fibrine)
-
Foie: nombreuses thromboses capillaires périlobulaires (espaces portes)
-
Cerveau : microangiopathie thrombotique, dépôts de fibrine, oedèmes,
hémorragies ...
Conséquences cliniques:
- Nombreuses
complications mettant en danger la vie de la mère (en France, de 1981
à 1991: 189 morts maternelles dues à des prééclampsies = 18,7% de la
mortalité maternelle)
- Hypertension
artérielle, principalement due à l'augmentation des résistances vasculaires
périphériques (déséquilibre entre les taux circulants d'hormones vasoconstrictives
et vasodilatatrices)
- Protéinurie
(due aux lésions glomérulaires rénales)
- Hématome
rétroplacentaire (HRP): accident imprévisible (fréquence toujours élevée)
- Eclampsie
(accident prévisible dont la fréquence a nettement diminué : 1/20 à
1/100 prééclampsies)
- Hellp
Syndrome
- AVC,
décollement de rétine...
- Troubles
de la coagulation: CIVD, baisse du fibrinogène, PDF augmentés, thrombopénie
- Insuffisance
rénale aiguë fonctionnelle puis organique
- OAP,
ascite...
Retentissement
foetal
- Insuffisance
placentaire --> défaut d'apport des substances nécessaires à la croissance
foetale et diminution de l'oxygénation foetale --> souffrance foetale
chronique
- Retard
de croissance intra-utérin (RCIU), le plus souvent dysharmonieux (circonférence
abdominale ++), parfois harmonieux (si retentissement placentaire très
précoce)
- Parfois
si tableau très sévère ou traitement tardif : mort in utero
Prise
en charge
Appréciation de
la SFC :
- ERCF
-
Score de Manning (étude du bien être foetal)
-
Doppler ombilical (traduit la qualité de l'écoulement sanguin au niveau
des artères ombilicales) ; index diastolique devient nul = reverse flow:
situation hémodynamique foetale très précaire.
Doppler cérébral (hypoxie sévère: réponse extrême, aux limites des possibilités
d'adaptation du foetus)
-
Oligo(an)amnios par diminution de la diurèse foetale
==> Extraction
foetale avant que l'hypoxie ne soit trop sévère. Foetus fragile, à risque
d' AVC, d'insuffisance myocardique ou hépatique --> mesures de réanimation
parfaitement appropriées.
L'indication de cette extraction peut être difficile à porter; elle est
fonction de la gravité de l'atteinte maternelle et foetale et surtout
du terme de la grossesse
Surveillance
- Service
spécialisé en pathologies maternelles et foetales proche d'un service
de réanimation néonatale (services d'autant plus spécialisés que le
terme est faible : < 32 SA
- Essentiel
: collaboration étroite entre sage-femmes, obstétriciens, pédiatres
néonatologistes et anesthésistes
- TA toutes
les 4 heures ou automatique (Dinamap*)
- Surveillance
clinique à la recherche éventuelles de signes fonctionnels évoquant
une aggravation de la maladie (céphalées, barre épigastrique, troubles
visuels, acouphènes, phosphènes, altération de l'état de conscience)
- Surveillance
de la diurèse par le recueil des urines ou le sondage à demeure.
- Bilan
biologiques dont la fréquence varie selon la gravité de la situation
(bi-hebdomadaire à pluriquotidien): bilan de coagulation standard (±complet)
NF-Plaquettes ionogramme sanguin (urée, créatininémie, uricémie, enzymes
hépatiques, protidémie) et ± urinaire LDH, haptoglobine, schizocytes
(Hellp Syndrome)
Moyens
- Repos
strict au lit et au calme (si possible en DLG qui améliore les perfusions
placentaire et rénale)
-
Surveillance de la protéinurie
- Anticonvulssivants
= rarement (traitement préventif d'une crise d'éclampsie
imminente): sulfate de magnésie (utilisé aux USA surtout),
benzodiazépines (Rivotril*, Valium*)
- Aspirine
100 mg: oui si elle est débutée avant 24 SA, pas d'intérêt
après
- Dopamine:
rarement utilisée (lutter contre la défaillance cardiaque)
Traitement obstétrical
= extraction foetale
- avant
34 SA = césarienne
-
après 34 SA = accouchement voie basse si conditions locales favorables
et non urgent; éviter les efforts expulsifs excessifs (aide à
l'expulsion)
-
péridurale souhaitable si taux de plaquettes >100000 et en
l'absence de prise d'aspirine
surveillance materno-foetale continue +++
-
parfois nécessité d'IMG en raison de la sévérité
du tableau maternel et d'un terme trop prématuré
Indications
Le traitement idéal est l'extraction foetale mais
à quel terme ?
Balance entre les avantages et les risques de l'interruption de la grossesse
= discussion collégiale
Il existe de "grandes lignes" mais une discussion au cas par
cas est toujours possible (cure de Celestene* réalisées,
antécédents, parité, ERCF, données échographiques
(PFE, vitalité, arrêt de croissance, vélocimétrie
- Traitement
conservateur si:
terme trop précoce
absence de complication maternelle et foetale
risque: MFIU
- Traitement
classique:
remplissage vasculaire (SAD et/ou SAC) + Loxen* et/ou Trandate* en SAP
question-clé :quand interrompre ce traitement conservateur ?
- Extraction
si :
maturité foetale obtenue (>35-36 SA)
urgence hypertensive ou complication mettant en jeu le pronostic vital
maternel (Hellp syndrome, CIVD, HRP, éclampsie, IRA, ascite volumineuse
mal supportée, OAP)
altération du rythme cardiaque foetal
doppler cérébral pathologique
Ne pas oublier
- Prise
en charge psychologique (MIU , décès néonatal)
-
Surveillance au bloc et dans le post-partum
-
Bilan vasculo-rénal complet 3 mois après l'accouchement dans un service
spécialisé (Néphro Calmette)
-
Prévention lors d'une grossesse ultérieure par aspirine 100 mg dès 10
SA
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